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Allégrement cités et commentés par la presse. Instrumentalisés politiquement par le gouvernement et l'opposition. Les chiffres de la délinquance suscitent la polémique. Assez pour que l'on se pose un instant et que l'on y réfléchisse.
D'emblée plusieurs éléments sautent aux yeux. D'une part les statistiques de la délinquance sont effectuées par les services de police. Ce choix n'est pas anodin ni sans effets comme on le verra. On aurait pu imaginer qu'une instance tierce telle que l'INSEE par exemple se soit vue confier leur élaboration comme c'est le cas pour le chômage.
D'autre part les chiffres de la délinquance sont élaborés sur le plan national par l'observatoire national de la délinquance. On peut comprendre le souci d'un Etat unitaire et très jacobin comme la France de fournir de tels chiffres mais concrètement une analyse en terme d'aires d'habitations est bien plus pertinente, notamment en terme d'action publique.
Il faut également préciser que les chiffres dont nous parlons sont produits à partir des faits constatés, c'est-à-dire des procès verbaux transmis par la police à la justice.
La culture du résultat et ses conséquences
A son arrivée Place Beauvau en 2002, Nicolas Sarkozy a voulu introduire ce qu'il a lui-même appelé « la culture du résultat » pour la police. Le sarkométre est mis en place avec la convocation tous les mois des 3 responsables départementaux en matière de sécurité ayant obtenus les meilleurs chiffres et des 3 plus mauvais « élèves ». Cette volonté d'améliorer les performances de la police n'est pas condamnable, elle est même souhaitable. Elle n'est pas non plus nouvelle. Mais l'accent trop fort mis sur les chiffres aboutit à des dérives dommageables. Pour n'en citer que quelques uns repérés par les chercheurs Jean-Hugues Matelly et Christian Mouhanna Le but est d'obtenir un taux d'élucidation le plus élevé possible et de constater moins d'infraction, les pratiques sont vieilles comme la police mais tendent à s'accentuer si l'on en croit les auteurs :
-Harcèlement de cibles molles : On se rend fréquemment dans des lieux bien connus pour leur délinquance récurrente, l'exemple typique est la concentration sur les toxicomanes ou les prostituées dont on sait très bien où ils se trouvent : Taux d'élucidation : 100%
-Reports d'enregistrements : Il permet de faire passer des infractions à la trappe
- Préférence pour les contraventions et les mains courantes qui n'entrent pas dans les statistiques.
-Refus d'enregistrer une plainte
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La liste est encore longue et problématique. Pour les policiers tout d'abord car cela écorne leur image et nuit considérablement à leurs relations avec les citoyens, or comment lutter contre la délinquance sans bonne relation avec ceux-ci ? Pour les citoyens ensuite qui lors de leurs rapports avec la police se sentent frustrés et d'autant plus que les victimes d'actes délinquants ont besoin d'un accueil digne de ce nom. Un accueil de qualité. Ce mot qui mérite d'être réaffirmé face à la dérive quantitativiste que nous connaissons aujourd'hui.
Sources : -Jean-Hugues Matelly et Christian Mouhanna, Police : des chiffres et des doutes. Regard critique sur les statistiques de la délinquance, Editions Michalon, octobre 2007
- http://www.inhes.interieur.gouv.fr/Observatoire-national-de-la-delinquance-6.html